16.09

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11.11 2023

Martina-Sofie

Wildberger

P-Pants

in Action


Martina-Sofie Wildberger, P-Pants in Action, photo: Larissa Tiki Mbassi

L’artiste Martina-Sofie Wildberger présente son installation P-Pants in Action à Lemme. Depuis 2017, Wildberger pratique régulièrement l’alpinisme en haute-montagne. Elle constate alors que plus on gravit une montagne, moins il y a de femmes. Depuis, elle publie des photos d’ascensions de sommets en haute montagne avec piolet, corde et crampons sur Instagram, accompagnées des hashtags #feministalpineclub et #fac. Pour Wildberger, l’ascension des sommets est un empowerment (de soi) et la haute montagne un espace dans lequel les conventions de genres peuvent être dépassées. Wildberger fonde le club Feminist Alpine Club – un club activiste qui s’engage dans une perspective féministe intersectionnelle auprès des cercles alpins et artistiques – et y élabore le prototype du P(ee)-Pants : un pantalon de randonnée qui permet aux femmes d’uriner en toute sécurité dans une cordée, sans avoir besoin de se détacher (pour éviter, par exemple, une chute dans la crevasse d’un glacier). Ce prototype et le Feminist Alpine Club sont au centre de l’exposition de Wildberger à Lemme.

Martina-Sofie Wildberger, née en 1985 à Zürich, vit et travaille à Genève et à Zürich. Elle a obtenu un diplôme et un Master en Arts visuels à la Haute école d’art et de design de Genève ainsi qu’un Bachelor et un Master en histoire de l’art à l’Université de Genève. Wildberger se consacre principalement à la performance, qu’elle explore avec des actions en direct, mais aussi à travers différents médias – vidéo, photographie, art sonore, publications. Elle a remporté de nombreux prix (entre autres le Prix Culturel Manor à Schaffhouse, le Swiss Art Award, les Cahiers d’Artistes Pro Helvetia) et présente régulièrement ses travaux en Suisse et à l’étranger – à partir du 3 septembre, elle est à l’affiche d’une exposition collective à la Kunsthaus Langenthal.

Subventionné par la Ville de Genève et soutenu par la Fondation Oertli

Prochaines expositions

P-Pants in Action

Josiane Imhasly

Une femme blonde accroupie au sol, tordue, une fermeture éclair ouverte à l’entrejambe de son pantalon noir, une culotte rose, par moments tirée de côté, un baudrier avec un mousqueton et undescendeur, des dégaines, des anneaux de sangle, une vis à glace, des chaussures d’alpinisme massives et flambant neuves. C’est ce que montrent huit photographies en format mondial, transformant ainsi le cube de béton Lemme en support pour des billboards. Les photographies sont surmontées de l’inscription P-PANTS dans une typographie jaune et grasse, et, imprimé en dessous, le logo : FAC – Feminist Alpine Club.

L’artiste Martina-Sofie Wildberger présente à Lemme son installation P-Pants in Action qui s’inscrit dans le cadre du projet Feminist Alpine Club (FAC). Depuis 2017, Wildberger pratique régulièrement l’alpinisme en haute montagne. Ce faisant, elle constate que le nombre de femmes ne cesse de diminuer au fur et à mesure que l’on gravit la montagne. Depuis, elle publiesur Instagram les photos de ses ascensions de sommets avec piolet, crampons et corde accompagnées des Hashtags #feministalpineclub et #fac.

L’artiste conçoit l’alpinisme comme une forme d’empowerment (de soi) et la haute montagne comme un espace où les conventions de genres peuvent être dépassées. Le Feminist Alpine Club est, d’une part, un outil qui permet de faire une recherche artistique et de les mettre sur le tapis dans le monde de l’art, et, d’autre part, d’amener ces actions activistes et artistiques dans le domaine de l’alpinisme. Le féminisme est le mot-clé et le pointeur de ce « club » et semble se focaliser sur l’aspectdu genre, il revendique ici – tout à fait dans l’esprit de la troisième vague féministe – que ce sport devienne plus inclusif à tous les égards. En effet, l’alpinisme cultive une pratique d’exclusion et pas uniquement celle des femmes ; l’appartenance ethnique, l’arrière-plan culturel, la classe sociale, le lieu de résidence, la condition physique ou psychique peuvent aussi expliquer pourquoi l’idée de s’encorder en haute montagne n’effleure même pas l’esprit de certaines personnes. Au Feminist Alpine Club, il s’agit, selon Martina-Sofie Wildberger, de vivre la montagne de manière collective, de s’emparer des perspectives sans cesse en mouvement qui s’ouvrent sur le monde lors d’une ascension en montagne, puis de développer, à travers cette expérience, une nouvelle vision, une autre attitude. Le FAC s’engage pour une plus grande ouverture d’esprit en montagne.

Wildberger conçoit le FAC comme un outil et un récipient qui peut être rempli par différentes actions. Certaines sont le résultat d’idées collectives, d’autres portent la seule signature artistique de Wildberger, comme c’est le cas à Lemme. Quiconque ayant déjà cheminé avec un groupe, connaît sans doute ce sentiment de crainte à l’idée de freiner les autres, de briser le rythme du pas régulier. Et cela peut être fort désagréable de demander une pause pour aller aux toilettes. De manière générale, le sujet de la communication en alpinisme intéresse particulièrement Wildberger. Car, dans la montagne, ce n’est pas en premier lieu le langage qui crée la confiance mais l’attention portée aux autres. Cet intérêt pour la communication et ses différentes manifestations – non verbales, par des gestes, des mimiques, par la corde qui relie les uns aux autres – crée un pont avec la pratique artistique globale de Wildberger : la voix, le corps, le son, la signification et la puissance d’efficacité du langage ainsi que les moyens de communication alternatifs sont en centre de son travail. De quoi attiser notre curiosité de découvrir comment Wildberger continuera d’explorer ce champ de la communication montagnarde dans les années à venir.

Lorsqu’il y a un besoin pressant, il faut avoir le courage de le communiquer – sans parler des problèmes que cela implique en cordée : comment une personne pourvue d’un vagin et portant un baudrier peut-elle uriner en toute sécurité ? Jusqu’à présent, la seule solution était de se détacher, d’ôter son baudrier et de baisser ses pantalons jusqu’aux genoux. Sur un glacier, un tronçon d’escalade exposé ou sur une pente raide, cela peut coûter la vie. C’est pour cela que Wildberger a développé ce prototype de pantalon de sport qui permet d’éviter toutes ces manœuvres dangereuses. Grâce à une fermeture éclair sur toute la longueur de l’entrejambe, la pause pipi se règle rapidement et en toute sécurité.

La production de masse du prototype n’a pas encore été lancée, mais la publicité pour le P-pants est déjà prête et est présentée à, ou plutôt sur Lemme. Dans la série de photographies P-PANTS (Ad) (2023), Martina-Sofie Wildberger pose ou plutôt performe dans le studio photo et montre le P-pants en action. Les images évoquent un mode d’emploi, une pin-up, une image de produit, le kitch de la Barbie, le professionnalisme de l’alpiniste, le fétichisme et la documentation d’une performance. L’artiste voltige, désinvolte, sur une crête étroite entre tabou et hypervisibilité. Les images vivent de la tension que suscite un geste aussi intime lorsqu’il est montré en gros plan et publiquement. La couleur de la culotte n’est évidemment pas due au hasard, nous n’avons pas attendu le regain d’enthousiasme pour Barbie pour savoir que cette couleur est imbriquée de manière complexe à l’être femme – et que nous pouvons nous l’approprier dans une perspective féministe. Il est également intéressant de souligner à quel point l’apparence fétichiste de l’équipement technique, – l’aspect bondage du baudrier, des cordes, des sangles et même des lacets de chaussures, la broche à glace phallique – est mise en scène par sa présence colorée sur les vêtements noirs. On pourrait interpréter cela comme un clin d’œil au fait que l’escalade est, avant toute chose, un sport accessible aux personnes (surtout, des hommes blancs) ayant un gros portefeuille (et une bonne formation).


Photographie: Peter Baracchi
Graphisme: Bonsma & Reist